Pendant très longtemps, j’ai pensé que je n’aimais pas l’école. Mais avec les expériences et le recul, j’ai fini par réaliser que ce que je n’aimais pas de l’école dite traditionnelle, c’était son manque de flexibilité et l’absence de variété quant aux choix de filières qu’elle offrait aux apprenants. 

Ce sentiment m’a habité jusqu’à la fac. L’université exigeait de nous, d’investir trois années pour obtenir une licence et quatre pour une maîtrise. Je ne comprenais pas que l’éducation supérieure ne propose pas aux étudiants (qui comme moi étaient prêts à fournir un effort soutenu pour aller plus vite), la possibilité de compléter leur cycle de licence ou de maîtrise en moins de temps que le temps traditionnellement requis pour le faire. 

D’autant plus qu’une licence ou une maîtrise au sortir de la fac ne qualifiait absolument pas les jeunes diplômés pour le marché du travail ; contrairement aux techniciens supérieurs armés de leur BTS (Brevet de Technicien Supérieur), qu’ils avaient obtenu en deux ans au lieu de trois ou quatre ans. 

Je reste persuadé aujourd’hui encore, qu’une option pour compléter les cycles de licence en moins de deux ans et ceux de maîtrise en moins de quatre, aurait probablement permis à une frange qui souhaitait aller plus vite, de poursuivre des études supérieures, qu’ils ont abandonnées à cause du temps qui leur était demandé d’investir. Les chiffres que je présente plus bas me confortent dans cette première conclusion.

Bref, en Afrique, nous sommes conditionnés et poussés à faire des études supérieures. Je finis donc, bon gré mal gré, par m’inscrire comme la plupart de mes copains du lycée, non pas en BTS, mais en Sciences Économiques et Gestion, pour une licence que je n’obtiendrai jamais ; car mon passage en fac ne durera qu’un semestre.

CURSUS DE 14 MOIS

Je suis sur le point de complètement abandonner l’idée des études supérieures le jour où, dans un magazine de musique urbaine (THE SOURCE), je découvre Fullsail. Une école américaine qui offre des cursus d’études supérieures de 14 mois en médias, avec à la clef un diplôme universitaire. Je ne m’inscris pas à Fullsail à cause du coût prohibitif pour mes parents, mais je tiens enfin la confirmation que ce que je cherche existait bel et bien. 

Le même type d’offre fait son apparition chez ARTFX de Montpellier en France, et dans d’autres établissements privés au Canada, et peu de temps après, une formule nouvelle débarque sur le marché de l’éducation et de la formation professionnelle : le MOOC.

MOOC (Massive open online course)

Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et je me suis entre-temps installé en Amérique du Nord. À Montréal, ma ville d’adoption, j’ai la possibilité de m’inscrire dans une école de mon choix, mais je suis employé à temps plein. Je cherche donc une école qui me permettra de jongler entre travail et école. C’est plus ou moins au cours de cette période que je découvre le MOOC. 

MOOC ou Massive Open Online Course est un cours en ligne visant une participation illimitée et un accès ouvert via Internet. J’ai trouvé la formule qui me convient. Au cours des sept années qui suivront, je vais étudier tout ce que je trouve sur l’écriture de scénario pour le cinéma, la réalisation, la lumière et le marketing.

FÉLICITATIONS ? 

Quelque chose va cependant retenir mon attention avec les MOOCs. À chaque fois que je complète une formation en ligne que j’ai achetée, je reçois un message qui me félicite de faire partie des 14 % des étudiants qui vont jusqu’au bout du cursus.

« 86 % des étudiants qui s’inscrivent aux MOOCs ne terminent pas leur cursus ? »

Me dis-je.

Vu ce par quoi je suis passé pour enfin trouver chaussure à mon pied, j’ai du mal à comprendre qu’une alternative comme les MOOCs, qui offrent une aussi grande variété de choix de filières d’études, et de durée de cursus d’apprentissage, affiche un taux de complétion aussi faible.

POURQUOI ?

Pourquoi malgré l’alternative et les avantages qu’offrent les MOOCs, le taux de complétion des cours qu’ils proposent est aussi faible ?

Il existe probablement plusieurs réponses à cette question, mais deux des plus pertinentes sont :

1- Le modèle d’affaire de certains MOOCs

Pour une très grande majorité de plateformes de formation en ligne, la stratégie consiste à offrir un vaste catalogue de formation auquel leurs étudiants ont accès moyennant un abonnement mensuel ou annuel au coût très raisonnable. 

Mais pour nourrir ces plateformes avides de contenu et donner cette impression d’achalandage, les plateformes en question recrutent beaucoup de formateurs capables de produire du contenu éducatif, mais négligent au passage de mettre l’emphase sur les compétences des formateurs et la qualité des formations que ces derniers produisent. 

Les étudiants qui choisissent ces plateformes ont certes un très vaste choix de formations à leur portée, pour un prix souvent abordable, mais le calibre de ce qui leur est offert n’est très souvent pas à la hauteur de leurs attentes ; ce qui pousserait beaucoup d’étudiants à ne pas aller jusqu’au bout de leur apprentissage. 

La quantité et la variété de contenus (de formations) permettent à une grande partie des MOOCs de réaliser de bonnes marges à travers les abonnements mensuels et annuels, et ce, que leurs clients aient complété ou pas leur cursus. Ces plateformes ont donc moins d’incitatifs à développer ou à mettre l’emphase sur « l’expérience client » en ligne (je reviendrai sur ce point plus bas.).

2- Le MOOC est une alternative prometteuse peu connue

Une étude de Syngene research datant de 2019 examinant l’Amérique du Nord, l’Europe, L’Asie Pacifique, l’Amérique du Sud et le Moyen-Orient et l’Afrique révèle que l’industrie du MOOC est évaluée à 336.98 milliards d’ici 2026. Une croissance évaluée à 9.1 % entre 2018 et 2026. C’est un énorme marché. 

Une autre étude en provenance de Mongolie évaluant 6 846 étudiants a révélé que seulement 47 % de ces étudiants étaient au courant de l’existence des MOOCs. Les résultats sont similaires en Egypte, où 2 700 étudiants en médecine furent sélectionnés au hasard, et seuls ⅕ d’entre eux avaient entendus parler des MOOCs.

LES PALLIATIFS AU FAIBLE TAUX DE COMPLÉTION 

D’après le site web de Elite Content Marketer, une étude de l’université de Central Florida identifie trois composantes/facteurs qui pourraient améliorer la donne : 

Apprentissage interactif engageant, autonomie et système d’évaluation

« La capacité d’un participant à comprendre le matériel, à réfléchir, à collaborer et à trouver des informations est facilitée par l’interactivité d’un apprentissage engageant et augmente la satisfaction de vos acheteurs de cours. L’autonomie est le degré de contrôle qu’un apprenant a sur son environnement. Cela implique la gestion du temps, la motivation et la capacité multitâche. 

Plus cela s’intègre facilement à leur emploi du temps, plus ils retirent de la satisfaction du cours. Et enfin, l’évaluation est mesurée par la rapidité avec laquelle l’instructeur répond à la requête d’un apprenant et la capacité des participants au cours à évaluer leurs progrès. Plus vous répondez rapidement et plus un apprenant peut facilement voir ses progrès, meilleure est la satisfaction. ». 

Source : Elite Content Marketer (traduit de l’anglais).

Si en plus des palliatifs ci-dessus (apprentissage interactif engageant, autonomie et système d’évaluation), quelques illustres institutions comme le MIT, Yale University, ou Hillsdale College investissent davantage l’espace du MOOC et y consacrent les ressources qu’elles possèdent, je ne serai pas surpris de voir le MOOC se démocratiser, et le taux de participation et de complétion des cours en ligne atteindre de hauts sommets.

CONCLUSION 

Je pense que les MOOCs sont une alternative à l’enseignement traditionnel. Au vu des chiffres relatifs à la croissance de ce secteur, tout porte à croire que de plus en plus d’universités investiront le terrain de l’enseignement en ligne. Apportant avec elles : savoir-faire pluri-séculaire pour certaines, et budgets colossaux pour d’autres.

Pour beaucoup d’étudiants issus de pays en voie de développement, qui doivent très souvent quitter leur pays pour pouvoir faire des études supérieures dans une école de calibre, la démocratisation des MOOCs pourrait signifier la fin du sacerdoce que constituent les demandes de visas d’études pour l’occident, et les sacrifices que cela implique pour les familles. 

Ce qui par ricochet permettrait à mon avis, que les jeunes formés dans les pays du sud restent dans leurs pays, et participent au développement de ces derniers. 

Et qui sait, à la suite de tout ceci, peut-être que, comme à la fin d’un bon film, nous verrons moins de jeunes africains tenter des traversées périlleuses du desert pour atteindre coûte que vaille l’occident, et peut-être aussi, moins de récits de traversées macabres.