Vous pourriez être surpris d’apprendre que lorsque vous rencontrez Marlène Le Cidre pour la première fois, vous n’êtes pas attiré par son art corporel autant que par sa présence globale. Ses yeux bleus perçants, son regard constant, l’assurance et l’intensité avec laquelle elle s’engage en conversation. Contrairement à d’autres professionnels, elle insiste immédiatement pour que j’utilise le « Tu » avec elle, m’expliquant que lorsqu’elle travaille avec ses « tatoué(es) », elle établie une connexion très personnelle et intime.

Marlène le cidre est une éminente tatoueuse de renommée Française et sur les réseaux sociaux. Nous nous sommes rencontrées dans le quartier animé autour du canal Saint-Martin à Paris. Nous avons discuté de toutes les choses en relation au tatouage, l’encre, et en particulier comment éviter de le regretter.

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L’arrivée de Marlène dans le monde du tatouage est le genre de voyage qui distingue souvent les artistes de son acabit. Tout a commencé alors qu’elle vivait à Montréal, travaillant comme cuisinière et exposant ses peintures dans des galeries d’art contemporaine. «Il y avait un tatoueur qui fréquentait le restaurant [où je travaillais]. À l’époque, je n’avais qu’un bras tatoué, et elle m’a vu au travers de la cuisine ouverte. Nous nous sommes bien entendus, par la suite elle m’a tatoué, elle a vu le type de dessins et de peintures que je faisais, et c’est alors qu’elle m’a dit que j’avais quelque chose à faire en tattoo, et qu’elle pourrait m’aider à intégrer un salon de tatouage. Elle a vu en moi de la passion et un feeling pour le tatouage. »

L’opportunité s’est présentée peu de temps après. Une amie D’Eilo (la tatoueuse qui découvre Marlène le cidre) ouvrait un salon de tatouage à Paris. MLC s’est envolée pour la rencontrer et, si la rencontre se passe bien, se dit-elle, elle quittera tout au Canada pour recommencer et entreprendre un apprentissage de tatouage. Elle a déménagé à Paris en 2013 (elle est originaire de Saumur, une ville de l’ouest de la France), et a commencé son apprentissage au salon de tatouage BlackbirdTattoo.

Elle savait que tenter un changement de carrière à 33 ans était risqué: « vous vous demandez, si vous faites une erreur, est-ce que je vais être bon dans ce domaine? » Mais Marlène le cidre n’a jamais été du genre à refuser un défi. Après trois ans de tatouage intensif et quelques transitions, elle a ouvert sa boutique actuelle près des bureaux WTG dans le 11e arrondissement en janvier 2017.

En regardant son travail, vous ne croiriez pas qu’elle n’a que quatre ans dans sa profession. Vous ne verrez aucun cliché de style « I-got-this-in-Bali » ici.

Son style unique est un mélange d’illustrations immaculées, d’une géométrie raffinée et d’un travail minutieux qui peut être classé dans le mouvement du «tatouage graphique». Il a une précision étonnante et une énergie réaliste. Pourtant, pour Marlène Le Cidre, l’esthétique ne fait qu’effleurer la surface de l’ensemble du processus d’expression de soi et de redéfinition auquel nous nous engageons lorsque nous choisissons de nous faire tatouer. «Je m’intéresse plus à la psychologie des tatouages ​​et de l’éducation au tatouage qu’à simplement tatouer quelqu’un», m’a-t-elle expliqué, quelques instants après notre première rencontre. Je lui ai demandé de me guider, d’agir comme si j’étais une future tatouée venant pour une consultation pour mon premier design. Elle se pencha en avant, son ton pensif:

« Quand nous parlons de tatouages, nous parlons de quelque chose qui est pour la vie – nous avons affaire au permanent. » Elle m’a fait réfléchir: des questions que nous pourrions nous poser sur nos motivations à s’encrer. C’est pour cette raison, a révélé MLC, «qu’il y a beaucoup de gens que je ne tatoue pas [après les avoir rencontrés] parce que je ne pense pas qu’ils soient prêts». Mais qu’est-ce que cela signifie être prêt pour un tatouage? Parfois, c’est une question d’âge – elle a peu de chances d’encrer quelqu’un de moins de 21 ans, car elle a remarqué que parfois, lorsqu’ils sont trop jeunes – certaines demandes qu’elle reçoit ne sont pas bien pensées, ou pas assez réfléchis, elle a le sentiment que ce serait une erreur de le réaliser à ce moment même.

Mais c’est aussi ce que nous attendons d’un tatouage, que ce soit la validation sociale, la guérison ou une nouvelle façon d’exister dans le monde. Pour Marlène Le cidre, c’est là que nous devons procéder avec prudence: un tatouage peut être le reflet de vous-même, mais cela ne devrait pas déterminer réellement qui vous êtes.

Le point de vue de MLC peut sembler trop prudent, mais cela reflète le sens profond et la signification qu’elle attribue à son métier. Après tout, c’est son travail d’aider les gens à naviguer dans les implications sociales et émotionnelles de faire graver quelque chose en permanence sur leur corps. Des nuances qui sont souvent difficiles d’anticiper, si les personnes se précipitent sur la chaise de l’artiste le plus proche.

«Le tatouage est particulier, parce que les gens viennent chez vous pour quelque chose qui restera [avec eux] pour le reste de leur vie. Vous entrez dans leur vie et je les amène aussi dans la mienne.»

Pour elle, il vaut parfois mieux dire non avant de dire oui, si cela signifie que le résultat final sera quelque chose qu’ils seront tous les deux heureux de laisser grandir et vieillir. « Alors? », ai-je demandé, les réflexions d’un million de mères tourbillonnent dans ma tête , « Comment pouvons-nous nous assurer de ne pas regretter nos tatouages? »

Marlène Le cidre a souligné l’importance de toute la préparation nécessaire avant qu’une aiguille ne s’approche de votre peau. « Premièrement, faites votre recherche: allez sur Internet et regardez ce qui se fait. Élaborez un projet qui a vraiment une histoire derrière lui « parce que je trouve que c’est à ce moment-là que les gens sont moins susceptibles de regretter.»

Ensuite, elle a souligné l’importance d’aller dans plusieurs salons pour rencontrer différents tatoueurs : « il faut avoir le feeling avec l’artiste, l’endroit et obtenir des retours de plusieurs personnes sur la faisabilité ou non de votre projet. Cela vous aide également à y réfléchir et à vraiment valider ce que vous allez faire.

S’il s’agit du premier tatouage, elle recommande d’en faire un petit dans un endroit caché pour vous donner le temps de vous y habituer. « Vous n’êtes pas nécessairement prêt à ce que les gens le voient, pénètrent dans votre espace et vous demandent pourquoi vous avez fait cela. » Sur une note plus optimiste, elle ajoute que le premier tatouage est souvent la porte d’entrée vers d’autres tatouages. «Donc, laisser les beaux et plus grands espaces», me montre-t-elle, «pour un futur projet plus élaboré.» Parce que si vous continuez de vous faire tatouer, il est mieux d’avoir réfléchit aux espaces !

Et le facteur le plus important de tous? Avoir confiance en votre tatoueur.

Il est important de le rencontrer et de faire en sorte qu’il y ait une bonne sensation entre vous deux « car cela va vous mettre à l’aise et vous aider à valider par vous-même que vous voulez faire ce tatouage […] d’avoir cela sur votre peau pour le reste de votre vie, et vous vous souviendrez du tatoueur qui l’a fait pour le reste de votre vie. « Chaque tatoueur a un processus artistique, et Marlène le cidre est tout au sujet de cette démarche, ce lien entre elle et la personne dans son studio.

« Le jour du tatouage, quelque chose d’assez intime se produit, vous êtes seul avec moi – je fais en sorte que tout soit en adéquation avec ma démarche privée, que vous soyez bien, et nous parlerons pendant les 2, 3 , 4, 5, 6, 7 heures de tatouage […] Tout est question de rencontre. Je veux que la personne soit bien. Certains tatoueurs s’en moquent – ils sont juste là pour tatouer. Moi j’ai besoin de plus, j’ai besoin de cette connexion humaine. Tatouer pour tatouer ça ne m’intéresse pas, ce qui signifie que j’ai un lien particulier avec chaque personne que je tatoue. « 

Ça a été deux heures de conversation intense, et je me sens électrifiée. Alors que notre discussion sur les subtilités de l’encre se reflétait, je lui ai posé des questions sur les projets qui se profilaient dans son avenir. Artiste incroyablement ambitieuse et polyvalente, elle m’a parlé de son objectif de commencer une ligne de tatouages ​​temporaires «les gens peuvent avoir un petit tatouage pendant quelques jours, et cela pourrait les aider à [éviter] des erreurs!»

Et ses idées sur différents projets visuels, y compris des accessoires, des étuis de téléphone avec des dessins de ses deux chats, Abi et Madeleine (son logo) et même une ligne de vêtements.

Mais alors que nous prenons notre dernier café, ses pensées reviennent à ses médiums artistiques préférés. «J’ai une formation en piano classique», m’a-t-elle dit, c’est un hobby que, contrairement aux tatouages, nous partageons.

« Quand je joue du piano, rien n’existe plus, je suis juste dans un monde, une bulle. C’est très structuré et rigoureux, et j’adore cette rigueur, car ma vie s’y construit. C’est ce qui vous fait aller vers ce qui est exceptionnel. Demain…».

Songea-t-elle, sonnant plus rêveusement qu’elle ne l’avait fait durant toute notre conversation,« je pourrais reprendre le piano … qui sait !» Si Marlène décide d’échanger sa chaise de tatouage contre un tabouret de piano, elle pourrait très bien devenir une Clara Schumann moderne – avec nettement plus de tatouages.